Education thérapeutique : le patient « co-pilote »

Fin janvier, le projet Chronilux accueillait une trentaine de professionnels pour une conférence intitulée : « Le pari de l’Empowerment et de l’Education Thérapeutique du Patient. Quelles concrétisations possibles en 2020 ? ». 

Ces professionnels de la santé, de l’aide et du social ont obtenu de nombreuses réponses à leurs attentes grâce à l’apport théorique de Marie Madeleine Leurquin, chargée de projets au Centre d’Education du Patient, à l’expérience de Fabienne Iser, Infirmière en chef de l’unité de néphrologie de Marche et de Bastogne chez Vivalia et au témoignage de Caroline Lepinois, infirmière dans cette unité. 

Education Thérapeutique du Patient (ETP), un concept qui évolue

Dans les années 60, l’éducation à la santé est marquée par le modèle biomédical accordant peu d’importance aux facteurs psychologiques et socio-culturels. Les années 80 voient l’émergence de nouvelles technologies de la communication et l’utilisation des médias dans le domaine de la santé pour montrer et expliquer la maladie. 

Peu à peu, le modèle évolue, d’une approche centrée sur la maladie vers une approche centrée sur le patient. C’est dans ce contexte qu’émerge l’ETP. Une définition communément partagée dans les années 80 est celle de Deccache et Lavendhomme :

« l’éducation du patient est un processus par étapes, intégré dans la démarche de soins, comprenant un ensemble d’activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’aide psychologique et sociale, concernant la maladie, les traitements, les soins, l’organisation et les procédures hospitalières, les comportements de santé et ceux liés à la maladie, et destinées à aider le patient (et sa famille) à comprendre la maladie et les traitements, collaborer aux soins, prendre en charge son état de santé, et favoriser un retour aux activités normales. » 

Il faudra attendre 1998 pour que soit publiée une définition consensuelle européenne largement inspirée de cette première définition.

A ses débuts, Fabienne Iser constate un « modèle paternaliste » où le soignant décide pour le patient parce que « c’est bon pour lui ». Le soignant ne tient pas compte de l’expérience de vie du patient, de ses capacités physiques, de sa capacité à décider et à s’adapter à son état de santé. Cependant, le soignant a indéniablement un rôle de sensibilisation, d’information et de partage de connaissances. Le patient doit être au centre des préoccupations. Elle décide donc de s’investir dans l’information et l’éducation du patient.

Le patient est une personne en relation de soins avec différents intervenants : médecin traitant, pharmacien, médecin hospitalier, psychologue, diététicien, soins domicile, assistante sociale… L’éducation du patient doit être un processus continu et adapté à l’évolution de son état de santé́ et de sa vie. Elle doit être proposée systématiquement, être structurée et organisée.

En néphrologie, des actions de prévention primaire (suppression des facteurs de risque), secondaire (prise en charge précoce des patients) ou tertiaire (traitement optimal des invalidités fonctionnelles liées à la maladie) sont pertinentes. Par la sensibilisation, l’information, l’éducation, il s’agit donc d’éviter la survenue des maladies rénales dans l’ensemble de la population en agissant sur les facteurs de risque (prévention primaire), de les dépister tôt et de ralentir la progression de la maladie (prévention secondaire) et enfin, il faut traiter de manière optimale les invalidités fonctionnelles liées à la maladie (prévention tertiaire). 

Approche systémique de l’ETP

L’éducation thérapeutique pour un patient accueilli dans l’unité de néphrologie peut être résumée en plusieurs étapes :

  1. Rencontrer la personne lors du diagnostic éducatif (bilan éducatif). Ce premier temps permet d’apprécier ses besoins et attentes en éducation pour construire l’accompagnement éducatif  et ainsi mieux comprendre son contexte de vie ; 
  2. Respecter les choix du patient et établir avec lui des objectifs de progression (contrat d’éducation) ;
  3. Soutenir, être à l’écoute, accompagner, encadrer ;
  4. Assurer la mise en œuvre des séances d’éducation, au rythme du patient ; créer et maintenir un climat de confiance ;
  5. Collaborer à l’évaluation des apprentissages, des compétences, de la clinique (évaluation pédagogique) ;
  6. Assurer la continuité́ de l’auto-soin, de l’autonomisation et de l’auto-détermination du patient dans l’adaptation à sa maladie (suivi éducatif).

Connaitre les représentations du patient sur sa maladie, sa santé et sur ses besoins éducatifs permet de définir avec lui un programme d’accompagnement adapté et de réduire le risque de prise en charge inefficace.

Une prise en charge éducative optimale ne peut être réalisée que « sur mesure », dans une relation de collaboration entre les professionnels de santé́ et les patients. Outre un travail d’équipe obligatoirement interdisciplinaire, la prise en charge éducative du patient nécessite de faire preuve de créativité́ et d’ouverture d’esprit à la confrontation des différents points de vue, afin de prendre en compte en tant que professionnel de santé, les représentations de la maladie, de la santé et des besoins éducatifs des patients.

La maladie chronique engendre souvent un repli sur soi et une réévaluation de son mode de vie : rupture sociale, professionnelle, économique et parfois familiale qui conduit bien souvent le patient à reconsidérer les situations quotidiennes. Le patient confronté à cette épreuve peut passer par différentes étapes allant de l’inactivité́ complète, pour cause d’absence d’énergie, à la reprise progressive des activités quotidiennes. Lorsqu’il arrive à se « dégager » de l’emprise de la maladie sur le cours de sa vie, il (re)commence à élaborer des plans pour l’avenir. Le projet thérapeutique est un moyen de projection dans le futur et traduit un désir de vie.

Quels bénéfices ?

Notre but est d’offrir au patient le traitement le plus en adéquation avec sa réalité́ de santé et ses projets de vie pour :

  • Eviter l’aggravation et/ou la survenue de complications ;
  • Favoriser le retour aux activités habituelles ;
  • (Re)conquérir une autonomie ;
  • Inviter le patient à collaborer aux soins ;
  • Offrir au patient le traitement qui le rendra le plus « heureux » !

Placer le patient comme acteur de sa prise en charge et ainsi favoriser son autonomie est une véritable opportunité pour le soignant de se sortir d’une logique d’échec thérapeutique souvent associé à la prise en charge de maladie chronique.

Vous retrouverez ci-dessous un large résumé (30 min) de cette conférence en vidéo ainsi que le support de présentation.

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